Dans le cadre du diagnostic préalable à tout accompagnement à la prévention, il est important de définir les prestations proposées par l’association via ses ESSMS. Il s’agit de comprendre le projet de l’association ainsi que d’intégrer comment les orientations stratégiques sont mises en œuvre sur le terrain afin de soulever des problématiques d’organisation et de procédure. Une analyse de la population accueillie doit aussi être réalisée pour démontrer les éventuels besoins de l’association, afin de définir certaines évolutions comme celle du taux de déficience ou de l’âge moyen, ayant un impact sur les coûts pour le gestionnaire. En complément, il est primordial d’évaluer la qualité de la prise en charge dans le but de repérer les points d’amélioration, a fortiori dans le contexte des droits des usagers renforcés et du respect de la volonté des personnes en situation de handicap et de leur famille.
Tout problème n’est pas financier mais ne le devient-il pas nécessairement un jour ?
Anticiper, c’est bien gérer son association sur le plan comptable, le plan juridique et ceux des ressources humaines et de la gouvernance mais c’est surtout se doter d’outils qui permettent de prévoir les évolutions budgétaires. Des outils classiques d’analyse et d’anticipation permettent de détecter et prévenir les risques financiers, en particulier, le risque de non-continuité d’exploitation. La comptabilité actualisée périodiquement est toujours le premier des outils de gestion. Des budgets et états prévisionnels sont des outils très utiles à la condition de les consulter et de les comparer avec les réalisations. Le plan de trésorerie est un autre outil indispensable pour anticiper les problèmes de trésorerie en visualisant les éventuelles impasses à venir et en y trouvant une solution. La gestion anticipative présente certaines caractéristiques comme la mise en place de tableaux de bord, la généralisation d’outils d’analyse de performance, l’élaboration de prévisionnels, et la prise à temps des décisions rectificatives de gestion.
Dans une approche de l’analyse financière classique, la première exigence concerne la nécessité de pouvoir compter sur un FRNG suffisant. Dans les associations, le niveau et l’évolution du FRNG et des fonds propres déterminent le niveau de santé financière. Dans les associations gestionnaires d’ESSMS, la CAF est un agrégat essentiel et règlementaire.
Chaque association étant différente dans son projet, son activité, sa taille, sa gestion, sa gouvernance, alors ses crises qu’elle doit anticiper sont aussi diverses et nombreuses. Chaque projet associatif porte en son sein des fragilités spécifiques. Pour anticiper les crises potentielles, il est impératif d’identifier ces fragilités et de mettre en place des outils de surveillance adaptés. A cet égard, il est important d’accompagner les administrateurs dans la prévention des difficultés pour mettre en forme des tableaux de suivi d’indicateurs adaptés aux fragilités repérées. Les bonnes questions à se poser doivent porter sur les causes de dysfonctionnement, sur les dérives du projet, les types d’accidents possibles, les mutations du secteur, du métier, du territoire et les moyens de les surveiller, sur les sources d’informations, les outils de veille, les indicateurs fiables, les outils de suivi et les modalités de contrôle. L’anticipation des difficultés passe par la connaissance de ses forces et faiblesses qu’il s’agisse du projet associatif, de la situation financière ou de l’organisation interne. Dans une association, son président est responsable du suivi et de la veille pour anticiper les évolutions nécessaires en fonction du contexte et des actions développées, ce qui rend nécessaire de clarifier les rôles du président et des directeurs.
Dans le cadre règlementaire du CPOM, certains outils pourraient utilement compléter ceux existants et imposés tels qu’une comptabilité actualisée périodiquement infra annuelle, des plans annuels de trésorerie détaillés mensuellement, des plans de financement au-delà de l’horizon du CPOM ainsi que des tableaux de bord enrichi. Il s’agit d’y intégrer, en plus des indicateurs définis et négociés au CPOM et des indicateurs « maison », des indicateurs du « tableau de bord de performance » afin de se comparer, se positionner et s’auto-diagnostiquer en exploitant des outils existants. Leur usage est proposé dans l’ouvrage « Perspectives d’usages du tableau de bord de la performance dans le secteur médico-social » de l’ANAP, publié en juillet 2020.
L’activité prévisionnelle s’établit sur le fondement d’objectifs et traduit une stratégie de l’association mais se construit aussi en relation avec l’habilitation et le cadre du CPOM. La détermination des produits de tarification et des ressources (humaines, matérielles, financières…) devrait découlée de cette activité. La suractivité ou sous-activité ont des impacts différents mais tout aussi importants et significatifs. Une place manquante se chiffre en dizaines de milliers d’euros tandis que l’absence de maîtrise de la suractivité générera des charges et investissements supplémentaires, la qualité de la prise en charge et la surcharge de travail, notamment.
L’usager doit rester au centre de toute réflexion. A cet égard, l’ouverture du droit des personnes représente un défi dans le respect du « Référentiel d’évaluation de la qualité des ESSMS » de la Haute Autorité de Santé (HAS) publié en mars 2022. L’environnement règlementaire et législatif exige que chaque enfant, adolescent ou adulte accueillis en ESSMS ait un projet individuel rédigé et conduit avec lui. Dans la logique de parcours des personnes accompagnées, les ruptures doivent être évitées afin de ne laisser personne sans solution impliquant l’utilisation la plus complète et optimale des ressources existantes, ainsi que des évolutions organisationnelles et de pratiques à même d’accroître la personnalisation des réponses apportées aux personnes en situation de handicap. L’attention portée au respect des choix des personnes et à leur qualité de vie conduit à vérifier que l’activité contribue à permettre des parcours de vie conformes aux attentes des personnes et exempts de ruptures non anticipées. La définition d’une cible d’activité dans le CPOM doit tenir compte de cette tension pour trouver un juste équilibre entre une logique d’efficience qui pourrait être purement financière et l’accompagnement des nécessaires transformations pour tenir compte du soin à apporter au parcours des usagers.
Dans l’analyse des risques, les frais de personnel et les coûts liés à la possession de locaux constituent les postes de dépenses les plus importants dans la structure des coûts des ESSMS.
Il est ainsi crucial de se positionner sur le plan des ressources humaines en considérant les évolutions légales et conventionnelles applicables et leurs impacts économiques. Les postes de salariés nécessitent également des évolutions et des adaptations en considération d’une complexification des handicaps.
Comme exemple de spécificités du secteur à considérer, un taux d’encadrement et une dépense par ETP par an en moyenne plus élevés dans les petites structures.
L’essentiel des moyens étant consacré au fonctionnement, les associations peuvent rencontrer des difficultés à entretenir leurs bâtiments, et à consacrer des fonds suffisants pour des mises aux normes en termes d’accessibilité ou de sécurité. L’anticipation est d’autant plus pertinente lorsqu’il s’agit d’évolutions immobilières et financières à long terme. Pour s’assurer d’une prise de décision éclairée au plan immobilier, la démarche de prévention doit inclure la logique de reconstitution des fonds propres investis dans des délais raisonnables, le pilotage au vu de la CAF, la mise en place d’un plan de travaux et d’investissements permettant une formalisation financière prévisionnelle déclinée selon différents scénarios autour d’une trajectoire centrale.
Par Jean-Louis LODOISK, Expert-comptable et co-fondateur de GEMELO Formation & Consulting