Préambule

 

La prévention des difficultés pour les associations gestionnaires d’établissements et services sociaux et médico-sociaux (ESSMS) pour personnes handicapés (PH) doit se conjuguer avec  professionnalisme et anticipation a fortiori dans l’environnement évolutif et complexe du champ du handicap ! 

En 2022, l’ensemble des ESSMS-PH sous compétence de l’Agence Régionale de Santé (ARS) devait être couvert par un Contrat Pluriannuel d’Objectifs et de Moyens (CPOM) (Loi n° 2015-1702 de financement de la sécurité sociale pour 2016 généralisant le CPOM pour les ESSMS-PH, art. 75 ; CASF, art L 313-11, L 313-12-2) mais la crise du Covid a perturbé le calendrier des négociations.

Dans le contexte d’une plus grande autonomie et responsabilité offertes au gestionnaire, la figure imposée du CPOM permet-elle d’anticiper suffisamment pour éviter le pire car « plus rien n’est sûr » ?

 

La prévention des difficultés

Une association gestionnaire d’ESSMS peut connaître un déséquilibre financier significatif et prolongé. Il apparaît généralement progressivement et les causes déterminantes sont plurielles. A titre d’exemple, des surcoûts pour gérer la lourdeur règlementaire et administrative, la difficulté de recruter des administrateurs, une gestion financière défaillante. 

Parmi les difficultés chroniques du secteur, celle du recrutement, s’est accélérée avec la crise du Covid. La pénurie de personnel s’est amplifiée générant une perte de compétences, des coûts liés à la désorganisation et d’autres impacts, notamment ceux liés aux risques psychosociaux ou à la qualité des prestations.

Sur les aspects de la gouvernance, la problématique du renouvellement de mandats électifs et du professionnalisme des bénévoles-dirigeants, peuvent impacter la performance globale, atténuer le rôle des élus au profit des directeurs qui ne doivent pas devenir des dirigeants de fait de l’association. 

Parmi les difficultés ultimes, figurent la cessation de paiement, la fermeture d’ESSMS, l’arrêt des activités ou la dissolution de l’association. 

 

Les difficultés financières peuvent être ponctuelles ou structurelles jusqu’à mettre la structure en danger. Elles sont ponctuelles lorsque le fonds de roulement demeure positif mais les résultats sont déficitaires et le report à nouveau baisse depuis quelques exercices. Si elles sont structurelles, cela signifie un fonds de roulement net global (FRNG) faible ou négatif, avec des reports à nouveau en baisse, voire négatifs. Lorsque l’association fait face à la survenance des premières difficultés financières, elle doit les identifier et mettre en place des solutions adaptées dans le cadre d’une gestion anticipative. 

 

Le gestionnaire d’ESSMS-PH doit faire preuve d’une gestion profilée notamment en matière d’évaluations conditionnant le renouvellement de l’habilitation et de l’autorisation. En outre, une fermeture d’ESSMS par l’autorité de tarification, valant retrait d’autorisation, peut notamment intervenir quand le redressement de la situation financière est irréversible. L’autorité peut alors transférer cette autorisation à un autre organisme poursuivant un but similaire. Avant cette situation extrême, l’autorité peut enjoindre l’association de remédier à ce déséquilibre et de produire un plan de retour à l’équilibre. Si la situation ne s’améliore pas malgré des actions correctrices mise en œuvre, les autorités de tarification nomment un administrateur provisoire.

 

Le CPOM obligatoire

 

Le secteur social et médico-social a été chahuté ces dernières années avec de nombreuses mutations. A cet égard, il semble nécessaire d’évoquer l’environnement évolutif en termes de fonctionnement, d’exigences comptables et budgétaires ou de contractualisation. 

 

Pour rappel, le CPOM fixe les obligations respectives des cocontractants, des objectifs définis entre les acteurs et les modalités de suivi notamment sous la forme d’indicateurs, avec la recommandation d’utiliser en priorité des indicateurs de l’Agence Nationale d’Appui à la Performance sanitaire et médico-sociale (ANAP), l’Agence nationale de l’évaluation et de la qualité des ESSMS (ANESM) ou la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA). Dans l’EPRD, une annexe matérialise les objectifs fixés dans le CPOM assortis des indicateurs retenus, constituant ainsi une véritable boussole. 

La capacité d’autofinancement (CAF), au cœur de l’EPRD et de l’ERRD, permet de financer les investissements prévus au plan global de financement (PGFP) et au plan pluriannuel d’investissement (PPI). La libre affectation des résultats réalisée par le gestionnaire, dans le respect des dispositions contenues dans le CPOM, est confortée par l’article 70 de la LFSS pour 2018 ayant supprimé la possibilité de reprendre des résultats dans le cadre des CPOM PH (CASF, article L.313-12-2). 

Par ailleurs, le constat de dépenses sans rapport ou manifestement hors de proportion avec le service rendu ou avec les coûts des ESSMS fournissant des prestations comparables en termes de qualité de prise en charge ou d’accompagnement ou celui de recettes non comptabilisées entrainera la réclamation par l’autorité de tarification des sommes octroyées dans le cadre du CPOM (CASF, L313-14-2). 

 

Le CPOM induit une modification de la gouvernance. Les directeurs d’ESSMS rendent compte à leur direction générale et le conseil d’administration décide de la répartition des moyens entre ESSMS. L’ARS et le département donnent un volume globalisé de financements mais la répartition des moyens se négocie en interne sur la base des décisions prises par le conseil d’administration. L’organisme gestionnaire dispose d’un niveau de responsabilité renforcé et d’une plus grande liberté en matière de pilotage financier et stratégique de ses ESSMS sous couvert des dispositions règlementaires et du CPOM. 

Dans un contexte de compression des financements publics, le CPOM réduit les incertitudes en permettant de sortir de la procédure budgétaire annuelle et d’affecter les résultats au financement d’un ESSMS spécifique (fongibilité des budgets). Elle garantit également un financement stable sur la durée du contrat. 

L’ARS se recentre, dans la campagne budgétaire, sur la validation des grandes masses financières, de la bonne trajectoire financière de l’ESSMS et de la conformité avec le CPOM.

 

Ce contexte offre-t-il la possibilité d’obtenir un niveau de produits de tarification confortable, qui permette une véritable marge de manœuvre pour anticiper et planifier le financement de mesures d’exploitation et de projets d’investissement sans dégrader le niveau du fonds de roulement ou le résultat ?

La réforme de la tarification est intervenue dans un contexte financier de plus en plus contraint nécessitant d’améliorer l’efficience de la gestion des ESSMS. Cette réforme ne donne-t-elle pas, sous forme d’outils, davantage de moyens d’anticipation et de pilotage pour une gestion maîtrisée des dépenses par chaque gestionnaire ?

La nouvelle donne en vigueur dans le champ du handicap résulte du rapport « Zéro sans solution » et de la mission « Une réponse accompagnée pour tous ». Cette cause originelle nous aiderait-elle à spécifier la gestion de l’anticipation des difficultés à l’ère du CPOM obligatoire pour les ESSMS PH ?

 

Par Jean-Louis LODOISK, Expert-comptable et co-fondateur de GEMELO Formation & Consulting

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